Salma Cheddadi

17 Mai – 12 Juil 2014
Vernissage le 17 Mai 2014
ART | VIDÉO  

A l’origine de chaque projet de l’artiste vidéaste Salma Cheddadi, il y a une rencontre. La gestuelle, l’attitude et la parole de ses modèles déterminent les bases d’une fiction. Ses recherches portent sur le désir qu’elle polarise autour de ses modèles en mettant en lumière les relations entre le filmeur et le filmé, entre le modèle et son environnement.
 
Présentée en 2010 à l’Espace Croisé dans le programme «Ideal# 12», Salma Cheddadi a depuis confirmé la singularité et l’acuité des climats qu’elle instaure de films en films.
 
L’Espace Croisé a produit son dernier film, Der See, réalisé en mars 2014. Au réveil, allongée sur son lit, Jana Jacob, son tout premier modèle qui l’a accompagnée dès ses premiers films, raconte le souvenir troublant d’un rêve. Un lac plongé dans un calme suspect, des corps gisants, et l’inquiétude d’avoir perdu une amie, celle à qui elle s’adresse, se matérialise.
 
Dans l’exposition, ce film est mis en relation avec ses travaux antérieurs. Le point de départ de chaque projet est une rencontre. Ses modèles ne sont pas des acteurs: ils sont choisis pour leur attitude, leur gestuelle, leur parole, qui constitueront les bases d’une fiction. Malgré son jeune âge, l’assurance et la maîtrise de Salma Cheddadi sont saisissantes. Son objectif est de «rendre sensible ce qui compose un corps, ce qu’il raconte lorsque le modèle est libéré du jeu et de ses intentions». Pour ce faire, elle instaure une certaine proximité avec ses modèles et les dirige par des indications physiques: «penche la tête, serre les dents, regarde la caméra, appuie ton pied sur le sol.» Salma Cheddadi filme un modèle dans sa relation avec le lieu où celui-ci prend corps.
 
Dans Mangousteens on Milk, 2007, Jana Jacob et Salma Cheddadi voyagent à travers les forêts, les ports et les villes, de Chiang Mai à Singapour. A l’opposé de cette ambiance moite et humide mais non moins sensuelle, Sweet Viking (2012), est un double portrait de Jara Karlsdóttir et des paysages islandais. Il matérialise les liens entre la chanteuse et son environnement immédiat. Au cours d’un «road movie», alors que Jana était silencieuse et entrainait la caméra dans un désir charnel, Jara raconte des histoires d’elfes et d’Huldufólks (êtres cachés), de prêtres luthériens et de cérémonies païennes. En parlant de ses enfants, de leurs pères et du sien, elle formule les trois piliers de son identité: l’indépendance, la maternité et la spiritualité.
 
Rompant avec le dialogue unique avec une femme, la vidéo Chasseurs Sachant Chasser, s’intéresse aux mécanismes de groupe des relations adolescentes. Salma Cheddadi a suivi quelques mois des collégiens en Seine-Saint Denis. Elle a été frappée par la violence des gestes et des mots, le recours systématique au conflit comme forme exclusive de dialogue. Selon la tradition d’une chasse à courre, les adolescents incarnent la mise en scène de la meute et de la proie.
 
Le film Parking, 2013, réalisé avec Florent Meng, expose le dilemme de centaines de couples au Liban qui transgressent les interdits familiaux et religieux, et se rencontrent clandestinement. La scène se déroule dans une marina en friche, au nord de Beyrouth, entre une autoroute et le front de mer. Deux jeunes libanais, de confessions et de milieux sociaux différents incarnent un couple dans le cadre du film. Tels les représentants de situations inextricables, ils ont été choisis parmi d’autres pour leur parole et la justesse de leur interaction. Ces cinq films constituent les piliers de l’exposition.