VOYageS anatomiqueS

Élodie Derache

Artiste du programme CLEA* 2023

du 31 mars au 25 juin 2023
(avec une interruption du 14 mai au 3 juin)

Vernissage le vendredi 31 mars à 18h

Élodie Derache plasticienne, tisse des liens entre l’anatomie et la spiritualité, entre le corps et les émotions, les pensées, entre les mondes humains, minéraux, végétaux et animaux.

Elle interroge les puissances du corps humain, et retourne les a priori sur celui-ci pour inviter à se le réapproprier dans la quête d’équilibre, de bonheur et de confiance en soi.

Vivre son corps avec ses sens et renouer avec lui, c’est l’expérience à laquelle elle croit pour se sentir libre, confiant et à sa place.

Elle nourrit un vocabulaire à la fois anatomique, sensible et poétique de manière à montrer le caractère précieux de toute forme de vie. Avec le tricot, le crochet, la broderie, les perles et la céramique, ses œuvres renvoient à notre intériorité précieuse et invitent à porter un regard curieux sur ce que nous sommes : des êtres de nature en constante métamorphose.

¨Il s’agit ici de partir de dysfonctionnements, d’imperfections, de fêlures et de fragilités pour mieux explorer leur rémission, leur résilience et leur vitalité. Face aux œuvres d’Élodie Derache,
nous serions comme devant un arrêt sur image d’un processus en cours, que nous pourrions imaginer se prolonger à l’infini. À l’image de la reconstitution naturelle d’un tissu ou de cellules du corps après une blessure ou une opération, l’artiste devient tisseuse du vivant et réparatrice.
¨ Henri Duhamel, mars 2023.




* Le CLEA est un dispositif de sensibilisation à l’art et à la culture à destination des 3-25 ans et des acteurs éducatifs qui en ont la charge. Dans ce cadre, des résidences mission d’artistes d’une durée de plusieurs mois ont lieu chaque année scolaire. L’Espace Croisé a été choisi par la DRAC et la Ville de Roubaix pour coordonner le CLEA (Contrat Local d’Éducation Artistique) pendant 3 ans. En 2023, c’est l’artiste Élodie Derache qui a été sélectionnée ! Le CLEA est financé par la Drac des Hauts-de-France, les Villes de Roubaix et Tourcoing.

Infos
. Entrée libre, du mercredi au dimanche de 14h à 18h.
. Visites guidées & ateliers gratuits sur réservation :
vuillerme@espacecroise.com

Corps étrangers / corps magnifiés

la petite fabrique du vivant d’Élodie Derache

C’est quoi un corps ? C’est quoi mon corps ? Des formes, des matières, des bruits, des odeurs, des douleurs, des sensations… Cette matière vivante qui nous compose, si proche de nous, et pourtant si étrangère. Bien souvent, évoquer le corps – cette masse grouillante et vivante – nous dégoûte, nous gêne ou dans le meilleur des cas, nous fait rire. Soit il n’est pas pris au sérieux, soit il minoré, déprécié, réduit à la honte ou à la peur. C’est à l’encontre de ces constats que se situe la démarche d’Élodie Derache, à la croisée de l’art contemporain et de l’artisanat. 

Regarder à l’intérieur / révéler

Entrailles, boyaux, viscères, nerfs, poumons, cerveau, poches, glandes, tissus, écoulements, digestion, sécrétion… Tels sont les mots et 5les images qui nous viennent à l’esprit quand nous découvrons les sculptures de l’artiste. Plutôt que détourner le regard, Élodie Derache choisit de le poser sur ce qui nous constitue, de manière intime, et qui assure nos fonctions vitales. Inspirée d’imageries médicales anciennes et de lectures scientifiques, l’artiste part d’un point de départ anatomique pour mieux s’en détacher. Différentes pratiques (yoga, méditation, sport…) alimentent également de l’intérieur cette exploration sensible du corps. Ses créations récentes laissent de côté la dimension strictement humaine et médicale pour s’ouvrir à d’autres anatomies, si proches de nous : celles du végétal, du minéral et de l’animal. Partant du constat que nous faisons partie de la Nature, celle-ci est un miroir dans lequel nous trouvons des correspondances avec d’autres formes du vivant.

Faire / Réparer / Magnifier

La dimension manuelle est essentielle. À l’image de l’ouvrage d’un ver à soi, de la confection d’une chrysalide par une chenille ou la constitution des alvéoles d’une ruche par des abeilles, la forme sculpturale se fait au fur et à mesure, de manière quasi instinctive. Comme elle le dit : « j’assiste juste la forme à se créer ». Au geste répété, précis et minutieux du crochet ou de l’aiguille se confronte la surprise de formes qui s’enfantent au fur et à mesure. Dans sa petite fabrique du vivant, l’artiste déploie tout un bestiaire digne d’un cabinet de curiosités, où se côtoient des organes, des flores et autres créatures colorées, toutes plus fabuleuses et fantastiques. De petits écrins ou structures en céramique – tantôt socles, coquilles, carapaces, os ou branches – viennent soutenir, prolonger, protéger les pièces tricotées ou crochetées. Ou à l’inverse, ce sont les pièces textiles qui viennent langer les éléments modelés, comme au creux d’un nid. Élodie Derache intervient sur ses sculptures comme pour en prendre soin, les réparer, les magnifier. L’ornementation, souvent foisonnante, confère à la sculpture une dimension précieuse, voire luxueuse, réunissant les pratiques textiles populaires avec l’univers de la haute-couture et de la joaillerie. L’intention est de faire de notre corps un bijou afin de « révéler le précieux qui est à l’intérieur », nous dit l’artiste.

Transformer / se métamorphoser / (se) relier

La plasticienne part de dysfonctionnements, d’imperfections, de fêlures et de fragilités pour mieux explorer leur rémission, leur résilience et leur vitalité. Elle devient tisseuse du vivant et réparatrice. Les œuvres, pour une partie d’entre elles, ne sont pas figées de toute éternité, elles évoluent et peuvent prendre plusieurs formes successives dans le temps. Par ailleurs, plusieurs pièces sont pensées pour être portées à même le corps. La sculpture devient une extension physique ou symbolique du corps : un parement, une protection qui modifie notre anatomie, notre psyché et nos émotions. 

De manière joyeuse et pétillante, les créations d’Élodie Derache célèbrent la liberté et notre potentiel de transformation au sein du monde. La démarche de l’artiste s’annonce comme une entreprise optimiste de réappropriation de notre anatomie (physique, psychique, émotionnelle) qui n’est pas uniquement individuelle mais aussi collective. Se relier à soi et aux autres, et ce pour « habiter pleinement son corps », cet étranger au potentiel insoupçonné…

Henri Duhamel (mars 2023)